Certes, bien avant lui, Matra avait deviné le frémissement d’une envie du grand public pour un genre automobile différent, propice à l’évasion – ou du moins qui la suggérait - et aux loisirs en lançant, dès 1977, sa Rancho élaborée à partir d’un utilitaire léger (Simca VF2). Mais avant l’heure, ce n’est pas l’heure, comme le rappelle fort justement cette chanson. Plus proches de lui, des marques comme Subaru ou Volkswagen (avec la Golf Country) avaient mieux cerné la question et, surtout, le calendrier de leurs recherches collait davantage à l’évolution de la société. Elles répondaient cependant d’une manière trop timide ou maladroite à cette nouvelle attente de la clientèle. Il manquait quelques épices à la recette...
>>> Le texte complet de cet essai est disponible dans le Moniteur Automobile 1749, par Stany Meurer.
Toyota RAV4 - Créateur de mode
Par son invitation permanente au voyage tant grâce aux capacités de son châssis qu’à la position haute de ses occupants ou encore à l’esthétique séduisante de sa silhouette fraîche, le RAV4 (Recreational Active Vehicle 4 Wheel Drive) allait être ce pionnier attendu d’un genre automobile nouveau, traçant au passage tous ses contours, avant d’en devenir son fer de lance puis, avec le recul du temps, son incarnation.
Mais le RAV4 n’allait pas se contenter de cet exploit. Avec lui allait prendre fin un système où toutes les voitures étaient classées de façon stricte par catégorie selon un seul critère: la forme de leur carrosserie. Véritable lanceur d’alerte d’une fin de régime et annonciateur de l’émergence d’une espèce nouvelle répondant à une demande inédite, il a non seulement cassé les codes mais aussi lancé une mode: celle des SUV. Pour cette révolution, il convient de rendre hommage au coup de génie de Toyota, une marque à l’image souvent injustement perçue du grand public et présentée par (certains) médias comme celle d’un constructeur de véhicules sérieux, fiables mais très (trop) classiques, manquant de caractère. Rien n’est plus faux. Voyons cela par le détail.
L’audace Toyota - naissance du SUV
En matière de design, on pourra certes ne pas aimer ou adhérer au style de la marque, mais lui reprocher un manque d’originalité ou une absence de prise de risques relève soit de la méconnaissance soit de la mauvaise foi. S’il ne fallait citer qu’un exemple récent d’audace stylistique, je citerais le C-HR dont la silhouette ne laisse personne indifférent.
Enfin, dans le domaine technique, force est de reconnaître un engagement écologique important qui ne relève en rien de la récupération de tendance, Toyota s’avérant comme un précurseur dans nombre de technologies innovantes. Est-il encore nécessaire de rappeler que la première Prius a été commercialisée en 1997, soit à une époque où le mot «hybride» ne signifiait rien dans le langage automobile et qui, depuis, a pris une tout autre valeur? Ou évoquer les recherches et applications du constructeur sur le thème de l’hydrogène, concrétisé par la commercialisation de la Mirai?
Back to 1994
Retour dans le passé, projecteurs sur le RAV4. Vous rappelez-vous ce que vous faisiez ou ce qui se passait en 1994? Cette année-là, le 6 mai plus précisément, le Président français François Mitterand et la reine d’Angleterre Elisabeth II inauguraient ensemble le tunnel sous la Manche, rattachant ainsi de manière physique la Grande-Bretagne au continent européen. Dans le domaine sportif, Ayrton Senna avait trouvé la mort cinq jours plus tôt sur le circuit d’Imola. Sur le plan culturel, Tom Hanks était sacré meilleur acteur aux Oscars pour sa prestation d’anthologie dans le film Forrest Gump.
C’est dans ce contexte qu’il faut voir l’apparition au printemps 1994 (il fut dévoilé au salon de Genève) du RAV4, disponible en 3 portes seulement dans un premier temps. Une stratégie somme toute analogue à celle d’un certain Range Rover, présenté à la presse en juin 1970, soit près d’un quart de siècle plus tôt. Deux véhicules ayant pas mal de points en commun, et une grosse différence: des tarifs qui ne les destinaient pas aux mêmes clientèles...
Toyota RAV4, 3 puis 5 portes
Allongée de 40 cm, la variante de carrosserie à 5 portes verra le jour 12 mois plus tard et sera présentée au même endroit, soit lors de l’édition 1995 du salon de Genève, le salon le plus chic de la planète. Quant à la version 3 portes découvrable, elle ne rejoindra le catalogue qu’en 1998. Plus rare, un RAV4 EV (électrique, eh oui...) est apparu en 1997 pour compléter l’offre.
Beaucoup moins connu en effet a été le RAV4 EV ou électrique, curiosité dans le domaine à une époque où le Diesel montait en puissance. Conçu à destination des flottes professionnelles, même si quelques exemplaires ont toutefois été vendus à des particuliers, ce RAV4 «zéro émission» était équipé d’une batterie nickel-métal hydride 95 Ah ayant une capacité de 27 kWh qui, selon le constructeur, lui assurait une autonomie de 150 km. Toyota a notamment commercialisé 1.484 unités de cette version en Californie.
Petit SUV, 3,7 m seulement !
Sur le plan physique, le RAV4 originel est un petit véhicule. Tout petit, même. Il mesure en effet exactement 3,7 m de long, ce qui, en 2021, est la dimension d’une citadine... alors qu’il appartient plutôt à un segment supérieur. À titre d’exemple, il est plus long de 9 cm qu’une Renault Twingo mais plus court de 11 cm qu’une Mini! Pour situer l’engin avec ce qui pourrait être un rival contemporain par la forme, sachez qu’il dépasse de 6 cm à peine un Suzuki Jimny considéré comme un 4x4 de poche! Autre particularité du Toy: sa porte à l’arrière à ouverture latérale, sur laquelle est attachée la roue de secours.
Une solution qui, à l’époque, aura fait couler beaucoup d’encre, les citadins des grandes villes, où l’espace est compté et les parkings réduits aux dimensions minimales, se montrant les plus hostiles à ce choix technique. La critique entendue et acceptée, cette formule présente l’avantage d’un accès optimal au coffre et réduit la hauteur du seuil de chargement puisque, dans le cas précis, il n’y a plus de pare-chocs, le bouclier arrière couvrant le bas de cette 3e portière.
Intemporel
Quand a été lancée son étude en 1989, Toyota n’avait jamais construit de petit 4x4. N’ayant ni expertise ni expérience en la matière, la tentation a été de suivre ce qui se faisait alors et de prendre pour référence les Daihatsu Rocky/Feroza et Suzuki Vitara, des 4x4 purs et durs aussi à l’aise pour pratiquer l’escalade que peu doués pour offrir un semblant d’agrément de conduite sur route, et on ne parle même pas d’un quelconque «plaisir de conduire».
Rapidement, en interne, il est apparu que l’on faisait ainsi fausse route dans la définition du produit. Toyota s’est par conséquent ravisé et a décidé de reprendre tout à zéro. Dans la pratique, cette table rase s’est traduite par l’adoption d’un moteur dynamique, d’une transmission intégrale permanente aussi transparente dans son fonctionnement qu’efficace à l’usage, de trains roulants évolués et d’un niveau de raffinement inconnu sur les références précédemment choisies.
Pour quel résultat? Aujourd’hui encore, prendre le volant d’un RAV4 est le gage d’un moment agréable de conduite. Certes, l’engin a pris quelques rides et a vieilli sur certains points, comme l’insonorisation, entre autres. Pour le reste, on n’a jamais l’impression de conduire une machine dont la conception remonte à une trentaine d’années. Moderne, le RAV4 l’était en 1994... et le reste aujourd’hui. Dans le numéro 1071 du 22 décembre 1994, Gaetan Philippe disait: «Utilitaire sportif, le RAV4 est l’égal de la voiture de tourisme à bien des égards».
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