Innovation / La Belgique aux Jeux olympiques avec le Toyota APM

La maternité de Zaventem où est née l'APM est d'un blanc immaculé et baignée de lumière. Dans un coin, quelques prototypes se cachent sous un drap, futurs modèles que le bureau d'études belge de Toyota Motor Europe préfère soustraire à nos regards indiscrets. Nous bénéficions d'un accès exceptionnel à cette pièce secrète, mais pas avant d'avoir remis nos smartphones et d'avoir passé toutes sortes de contrôles. Tout cela pour un véhicule électrique sans portes, que la division R&D développe pour les Jeux olympiques et paralympiques qui se dérouleront à Paris cet été. 

Cet Accessible People Mover, ou APM en abrégé, semble particulièrement rudimentaire, mais derrière son apparence simple se cache un processus de développement impressionnant, pour lequel le constructeur japonais est venu frapper à la porte de la Belgique. Toyota voulait un successeur à l'APM utilisé lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Une course contre la montre s'est engagée, car en raison de la pandémie de coronavirus, cet événement sportif n'a pas eu lieu en 2020, mais seulement en 2021 - si bien qu'il ne restait plus que deux ans pour mener à bien le processus de développement de cet APM 2.0.

Jeux olympiques de Paris

Pendant ce temps, la production à Caentano, au Portugal, tourne à plein régime, de sorte que les 260 véhicules destinés à Paris arriveront à temps. Soixante d'entre eux assureront le transport à l'intérieur et autour du village olympique, tandis que les autres APM serviront à transporter les supporters et à assurer la logistique. Il y a également 10 APM déguisés en ambulances avec du matériel de soins et un espace pour une civière, qui emmèneront les athlètes blessés ou les visiteurs vers une sorte de point de triage, où ils pourront être transférés dans une vraie ambulance ou même un hélicoptère si nécessaire.

L'APM 2.0 n'est pas une évolution de l'Accessible People Mover utilisé par Toyota à Tokyo. Les concepteurs sont partis d'une feuille blanche, même s'ils ont pu s'appuyer sur un certain nombre de composants qui servent également aux modèles de production existants : direction, suspension et roues, y compris les pneus et les freins. Le principal problème était de combiner une accessibilité maximale avec une rigidité suffisante. Les ingénieurs ont donc fini par concevoir une structure space frame en aluminium autour de laquelle ils ont drapé une carrosserie thermoformée. Le résultat est un fourgon très dépouillé, dont les côtés ouverts facilitent la montée et la descente. Le double plancher dissimule une plaque coulissante qui permet aux utilisateurs de fauteuils roulants de se déplacer facilement.

Origami

Chaque détail a été pensé, de la structure de base peinte en jaune (la couleur la plus facile à distinguer pour les malvoyants) aux supports à rotation rapide qui devraient empêcher les occupants de tomber de l'APM - bien qu'ils ne devraient pas pouvoir le faire, puisque les cinq sièges disponibles sont tous équipés de ceintures de sécurité. Une touche frivole est apportée par des références à l'origami : le noble art du pliage du papier se retrouve dans les motifs du toit, des jantes et des sièges, dont la sellerie représente le plan de Paris. 

Cette Toyota n'est pas devenue une voiture de course : lors d'un tour en siège passager sur la piste d'essai de 1,4 kilomètre à Zaventem, l'APM équipée d'un moteur électrique de 12,3 kW a plafonné à 20 km/h. La batterie intégrée dans le plancher a une capacité de 9 kWh, ce qui est suffisant pour une autonomie d'environ 100 kilomètres. Cela devrait être plus que suffisant pour rouler une journée à Paris ou dans l'une des autres villes françaises accueillant les Jeux olympiques et paralympiques.

Homologation difficile

L'équipe de développement a mis les bouchées doubles : les suspensions ont reçu un réglage spécifique pour affronter les pavés, les trottoirs, les seuils et les dos d'âne. Des tests de collision ont même été effectués pour optimiser la solidité de la structure de base. Cependant, le plus gros obstacle s'est avéré être non pas le développement, mais l'homologation de l'APM.

En effet, en raison de sa taille et de son poids, la Toyota électrique n'entre pas dans le cadre légal, ce qui signifie qu'une mesure d'exemption a dû être élaborée avec les autorités locales pour permettre à l'APM de transporter également des personnes sur la voie publique. Toyota a finalement obtenu une autorisation temporaire du gouvernement de la ville, pour une période couvrant les trois mois pendant lesquels se déroulent les Jeux olympiques et paralympiques. 

Des projets de production ?

Il n'est donc pas question d'un lancement commercial, et ce projet génère donc une valeur ajoutée principalement symbolique en plus de la visibilité. Néanmoins, Stijn Peeters, responsable de la nouvelle mobilité chez Toyota Europe à Zaventem, voit plus loin que Paris. Par exemple, des contacts sont actuellement pris avec plusieurs villes européennes, où l'APM pourrait être déployé comme solution de dernier kilomètre pour relier le centre-ville au reste du monde - sous la forme d'un vélo cargo au format XXL, via ou non un système de partage similaire à celui des scooters électriques.

M. Peeters entrevoit également des possibilités de transport à l'intérieur des murs de la ville, dans les centres étroits où les bus sont bloqués et où une population vieillissante aspire à un transport efficace - par exemple, pour aller faire les courses ou prendre un café. Mais il faudra alors créer une catégorie distincte pour les véhicules inclusifs comme l'APM. Les Jeux olympiques sont peut-être la vitrine dont Toyota a besoin...