Salon de Bruxelles / Stephan Winkelmann : « Lamborghini a toujours été douée pour les choses inattendues »

Le patron allemand de Lamborghini est un homme passionné. Conscient de l’aura de la marque au Taureau, il compte bien défendre la survie des moteurs thermiques aussi longtemps que possible et veut se porter garant de la pérennité des valeurs chères au constructeur de Sant’Agata Bolognese. Hybrides ou électriques, les futurs modèles resteront de vraies Lamborghini, tant sur le plan du style que des sensations de conduite.

- La Sterrato restera-t-elle un modèle unique, ou peut-on s'attendre à d'autres modèles de ce type à l'avenir ? 

Tout d'abord, si cela n’avait tenu qu’à moi, cette voiture serait arrivée sur le marché bien plus tôt. Mais beaucoup de circonstances nous ont poussés à la lancer maintenant et c'était un bon présage parce qu’il s’agit de la dernière variante de la Huracan mais aussi de la dernière Lamborghini uniquement motorisée par un moteur à combustion interne. Je pense que Lamborghini a toujours été douée pour les choses inattendues et la Sterrato fait partie de l'ADN de la plateforme car nous utilisons un système 4x4. Donc le succès ne me surprend pas car je pense que Lamborghini peut faire beaucoup de choses différentes des autres.

Si vous me demandez si nous allons faire quelque chose de similaire dans les prochaines années, je vous répondrai que nous devons voir. Mais si la question est "est-ce que je veux le refaire", alors la réponse est définitivement "Oui". Je dois dire que le succès de la Lamborghini Sterrato est incroyable.

- Lamborghini se définit par un style unique, des moteurs exceptionnels et un rapport à la conduite qui reste marqué par une certaine "brutalité", par des sensations mécaniques authentiques. Quels seront les piliers de la marque dans une nouvelle ère électrifiée ?

Je ne parlerais pas de brutalité mais plutôt d'une expérience de conduite très émotionnelle. Qui est, bien sûr, liée aux performances, mais pas seulement aux temps d'accélération ou aux chronos sur circuit. Il s'agit davantage de la façon dont vous ressentez la voiture, de la perception de la conduite d'une Lamborghini. Notre tâche consiste maintenant à traduire ce lien spécifique avec nos prochaines voitures hybrides et, plus tard, avec nos produits électriques. Avec les nouvelles technologies à venir dans les prochaines années, nous sommes convaincus que c'est possible. Mais c'est à nous de prouver qu'une Lamborghini électrique peut rester une vraie Lamborghini.

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- Quelles technologies ou caractéristiques spécifiques Lamborghini peut-elle apporter pour que ces modèles électriques ultérieurs restent de vraies Lamborghini ?
Nous divisons les modèles Lamborghini en deux catégories. Tout d'abord, il y a les supercars, comme l'Aventador et la Huracan. Pour celles-là, nous allons essayer de conserver le système hybride aussi longtemps que possible et nous allons travailler sur des carburants durables et synthétiques pour conserver les moteurs à combustion interne. Donc pour les voitures de sport pures et émotionnelles, cela pourrait être un moyen de garder notre touche Lamborghini.

Pour la deuxième catégorie, les voitures plus "quotidiennes", comme le Urus, nous considérons l'électrification comme un élément important. Pour la durabilité, Lamborghini croit fermement qu'il est essentiel, même pour une petite marque - en termes de volumes - de rester à l'avant-garde. Pas seulement à cause de la législation. Et nous pensons que pour ce type de voitures, nous pouvons reproduire l'émotion que nous avons aujourd'hui avec une voiture électrique. Nous devons encore le prouver, bien entendu. Mais avec les nouvelles technologies, pour les batteries, les logiciels et la numérisation, nous sommes convaincus que ce sera possible.

C'est à nous de prouver qu'une Lamborghini électrique peut rester une vraie Lamborghini.

- Rimac étant désormais fortement lié à la "galaxie VW", Lamborghini pourrait-il bénéficier du savoir-faire de la start-up croate pour ses modèles électriques ou électrifiés ?

En tant que constructeur automobile, vous devez décider si vous "fabriquez ou achetez". Et, bien sûr, le côté "fabriquer" fait partie de notre ADN. Mais pour certaines choses, vous devez aussi acheter. Et c'est là l'avantage de faire partie d'un grand groupe tel que Volkswagen. 

Nous pouvons acheter en interne pour profiter des technologies et du savoir-faire développés par le groupe, comme les plateformes, etc. Mais nous pouvons aussi acheter en dehors du groupe. Rimac est un fournisseur potentiel dans cette deuxième catégorie et reste au même niveau que les autres partenaires/fournisseurs externes. Donc la décision de choisir Rimac ou un autre ne dépendra que de ce que nous avons l'intention de faire et de ce dont nous avons besoin pour pouvoir le faire.

- L'Urus est la vache à lait de la marque. Le cash-flow garanti par ce SUV permettra-t-il l'arrivée de nouveaux modèles plus élégants et émotionnels, comme une version de série (électrique ?) de l'Estoque (2008), par exemple ?

Nous aimerions avoir un quatrième modèle, mais ce ne sera pas une berline comme le concept Estoque, car la catégorie des berlines perd de son importance par rapport aux SUV. Donc, si nous proposons un quatrième modèle, qui est en discussion avec le groupe, il s'agirait d'une GT 2+2 avec une garde au sol plus élevée, à l'image du concept Asterion de 2014. Cela apporterait un nouveau type de carrosserie mais aussi un nouveau type de voiture. Et, à mon avis, cela correspondrait parfaitement à l'histoire de Lamborghini qui compte quelques voitures GT et ne se limite pas aux supercars.

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- Lamborghini fera ses débuts dans la catégorie Hypercar et se battra pour la victoire aux 24 heures du Mans contre Ferrari, Porsche, etc. Mais la Squadra Corse est encore un département "jeune". Quel impact l'implication en sport automobile a-t-elle eu sur l'image et les ventes de la marque ?

Tout d'abord, la décision de créer un département de compétition constitue une approche à plusieurs niveaux. D'abord, en raison de la visibilité offerte, nous avons décidé en 2009 de nous engager officiellement en sport automobile. C'était important car cela vous permet de montrer ce que vous êtes capable de faire. Nous avons d'abord débuté avec nos séries monotypes - Lamborghini Super Trofeo - qui se sont développées dans le monde entier. Nous avons poursuivi avec la GT3 parce que la Lamborghini Huracan s’avérait une bonne base. Ensuite, avec le LMDh, nous pensons qu’il s’agit d’un choix judicieux car il y est question de tester les matériaux, la fiabilité - ce sont des courses d'endurance - les groupes motopropulseurs hybrides et les championnats ont une portée mondiale. 

Bien sûr, ces engagements ne sont pas directement payants au niveau des ventes, mais ils le sont sur le long terme. Ce qui est important aussi avec nos activités de sport automobile, c'est qu'elles élargissent notre base de fans et font parler de Lamborghini, du moins si vous avez du succès. Pour ce faire, nous nous développons de manière très contrôlée. Mais oui, cela a un impact sur nos ventes. En outre, la course automobile nous permet d'offrir différentes choses à nos clients, comme un programme pour obtenir la licence de pilote de course, etc.

D'un point de vue commercial, 2022 a été une année record pour nous, avec 9233 voitures livrées. En Belgique, nous avons connu une croissance de 20 %, passant de 56 à 68 voitures livrées. Nous tenons à cette croissance, bien sûr, mais aussi à la volonté de nos clients d'acheter nos voitures et de les attendre. C'est une bonne façon de garantir la valeur de nos voitures d'occasion, ce qui est également très important. Par exemple, la production de l’Aventador a été arrêtée et nous sommes également sold-out pour la Huracan et le Urus pour 2023. Nous sommes donc maintenant concentrés sur les deux prochaines années, alors que nous devrons commencer l'hybridation.

Pour une petite marque, un salon offre une grande visibilité en peu de temps et permet d'obtenir de nombreux retours de la part des clients. Cela vous aide à avoir une idée de ce qui se passe, à sentir les tendances.

- Que pensez-vous de la présence d'une marque comme Lamborghini dans des événements comme le Salon de l'automobile de Bruxelles 2023 ? Est-ce vraiment important pour vous ? 

C'est un sujet intéressant, car nous constatons qu'aujourd'hui, la majorité des salons automobiles n'existent plus. J'étais un grand fan de Genève. Pour moi, c'était très important. Mais nous sommes heureux d'être ici à Bruxelles. Bien sûr, c'est plus un événement business to customer (B2C), mais les promoteurs nous ont dit qu'il y avait un grand intérêt avec beaucoup de presse étrangère et beaucoup de gens qui viennent au salon. Nous espérons donc vraiment qu'il sera maintenu. 

Pour une petite marque, il offre une grande visibilité en peu de temps et permet d'obtenir de nombreux retours de la part des clients. Cela vous aide à avoir une idée de ce qui se passe, à sentir les tendances. Mais nous devons voir comment cela va évoluer, car en Amérique, il n'y a plus de grands événements comme avant. En Europe, seul Bruxelles semble se maintenir. Il ne reste que des événements comme Pebble Beach, Goodwood, mais ils ne sont pas nombreux. Le seul endroit où les salons automobiles ont encore du succès est la Chine.