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Edito / Édito - Le paradoxe électrique

Rédigé par Xavier Daffe le 04-05-2022

La tendance est prégnante, les constructeurs doivent vendre de l'électrique et poussent leurs modèles à batterie au détriment des autres types de motorisation. Mais, si vivre en électrique peut s'envisager dans l'absolu, à quand des modèles abordables ?

On nous fait parfois le reproche d’accorder trop d’importance à la voiture électrique dans nos colonnes. Croyez bien que ce n’est pas de gaieté de cœur, car pour tout qui aime conduire, ce qui est par définition le cas de nos essayeurs, l’électrique ne se laisse aborder, voire apprécier, que moyennant un sérieux « reset » mental. Le réflexe initial consiste plutôt à préférer a priori la sonorité métallique d’un bon flat-six teuton ou celle d’un V8 italien aux vocalises cristallines. On ne se refait pas. Et pourtant, on sent en interne la pression que mettent les marques sur l’électrique, en mettant une batterie et des moteurs qui font « vizzzz » dans le plus possible de leurs modèles afin de faire baisser leur moyenne d’émissions de CO2 et tenter ainsi d’échapper aux amendes européennes.

D’un côté donc, nous sommes bombardés de propositions d’essais de VE et de l’autre, on sait que le grand public n’en a rien à f… ou presque, les modèles électriques étant généralement l’apanage des flottes d’entreprises, dont la « conscience verte » se bâtit en fait sur des avantages fiscaux. D’où un sacré hiatus entre l’offre et la demande. Nous en sommes évidemment conscients, la plupart de nos journalistes devant eux aussi parfois acheter une voiture à titre privé. Or, j’ai récemment eu l’occasion de vivre 15 jours avec une électrique, sans disposer à la maison d’une borne de recharge. C’est angoissant, surtout pour les longues distances, mais dans les faits, il suffisait d’une course d’une demi-heure pour recharger la voiture (gratuitement en l’occurrence) sur le parking du supermarché. À la suite de quoi, c’était reparti pour environ 350 km, c’est-à-dire quasi une semaine hors autoroute (sachant que les VE détestent les autoroutes). Et on se prend au jeu d’une conduite tout en anticipation et en récupération d’énergie. OK, c’est différent que de mettre un bloc GT3 à 9.000 tours, mais c’est intéressant. Dommage qu’il reste ce prix de base de plus de 46.000 €, inaccessible pour le quidam.

À ce jour, on cherche encore un VE familial, accessible financièrement, pratique, fiable, doté d’une bonne capacité de recharge, d’une autonomie satisfaisante…

Ce qui m’échappe en revanche, c’est cette manie de développer des SUV électriques. Mercedes vient ainsi de battre un record d’autonomie (pour une électrique) de plus de 1000 km avec un prototype très effilé, l’EQXX, aux caractéristiques très aérodynamiques. Mais il annonçait dès le lendemain que sa très belle et efficace limousine EQS serait dorénavant elle aussi déclinée en… SUV ! Franchement, si l’on sait que l’autonomie constitue l’une des pierres d’achoppement des VE, pourquoi ne pas contourner le problème en dessinant des modèles aussi aérodynamiques que possible ? Un SUV ne sera jamais plus aérodynamique qu’une berline tapie au ras du sol. Et a-t-on par ailleurs besoin de ces 400, 500 ou 600 ch souvent annoncés ? Ne serait-il pas plus intéressant de diviser ces puissances par 3 ou 4 et d’accroître l’autonomie dans les mêmes proportions ? Car, à ce jour, on cherche encore un VE familial, accessible financièrement, pratique, fiable, doté d’une bonne capacité de recharge, d’une autonomie satisfaisante… Un genre d’EQXX en réduction, compact et léger.

En attendant cette chimère, on continue de considérer la démarche de Dacia, dont le Jogger est essayé en détail dans ces pages, comme pertinente et à même de répondre à une demande rationnelle pour des véhicules malins, bien conçus et abordables. Et un flat-six à 9000 tours comme adorable. Voilà toute la schizophrénie de notre époque résumée…

Xavier Daffe

Rédacteur en Chef Le Moniteur Automobile

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