Edito / Édito - Court-circuit émotionnel

Les choses étant ce qu’elles sont, je retourne aujourd’hui plus qu’hier sur le terrain, où j’assiste plus qu’avant à des présentations de nouveaux modèles et des conférences de presse en tous genres qui, parfois, me tirent un léger sourire, parfois déclenchent de l’enthousiasme, de l’exaspération, voire de l’incompréhension… C’est la réflexion que je me faisais en revenant des premiers essais de la Volkswagen ID.7, à découvrir dans ce numéro. En auto comme ailleurs, on avait dit «jamais le physique». Gloser en effet sur la ligne d’une voiture revient à faire s’affronter des subjectivités tellement inhérentes au genre humain. J’ai bien compris pourtant, je pense, l’intérêt pour une électrique de se montrer aussi fluide que possible afin de fendre le vent sans effort plutôt qu’à le pousser sans vergogne. Et en cela, l’ID.7 est parfaitement pertinente. Met-elle pour autant les sens en éveil? Les miens… pas trop. Voilà une berline de fait très confortable, habitable, bien pensée du point de vue technologique et de l’efficience énergétique. C’est une voiture d’ingénieurs compétents, je n’en doute pas un seul instant. Mais j’attendais d’une voiture électrique qu’elle m’emmène… ailleurs. Dans un nouvel univers, une nouvelle conception, dans quelque chose qui n’aurait jamais été tenté.

C’est bien, c’est joli… mais ça sert à quoi? À qui? Et surtout: qu’est-ce que ça coute?

En l’occurrence, l’ID.7, aussi convaincante soit-elle sur bien des aspects, cherche trop à adapter les recettes conceptuelles du passé à la technologie de demain. Il s’agit de fait toujours d’une berline 3 volumes aux proportions classiques, au style sans vague: l’exemple parfait du premier de classe, l’élève modèle qui ramène un beau bulletin mais qui risque de se trouver démuni dans un univers professionnel sans pitié. Ce sentiment personnel mitigé est sorti renforcé lorsqu’un ingénieur «système» m’a expliqué pendant une demi-heure le fonctionnement de l’écran central à la complexité infinie et les aides à la conduite qui vont jusqu’à la mémorisation d’un emplacement de parking pour permettre à la voiture de s’y garer plus tard sans intervention humaine. Moyennant quelques manipulations préalables pour «encoder» l’emplacement. Ou encore ces possibilités innombrables d’éclairage  d’ambiance paramétrable dans tous les sens, toutes les couleurs. C’est bien, c’est joli… Mais ça sert à quoi? À qui? Et surtout: qu’est-ce que ça coute? Volkswagen n’est évidemment pas le seul à se laisser aveugler par un marché chinois avide de ces bizarreries. La BMW i7 M70 xDrive, avec ses dentelles (!), essayée dans ce même numéro pousse le bouchon encore nettement plus loin. Mais puisque personne ne me demande mon avis, je le donne quand même: j’aurais volontiers troqué une partie considérable de ces fonctionnalités inutiles pour un prix d’accès plus concurrentiel, plus accessible. Et je me pose une question: comment fait Tesla pour proposer une Model Y AWD de 514 ch pour un prix inférieur de 10.000 € à celui d’une ID.7 propulsion de 286 ch, voire une RWD de 299 ch pour carrément… 20.000 € de moins? Du coup, je suis impatient de voir débarquer la petite «ID.2» qui devra brandir son prix comme atout de sa pertinence…