Ils auraient pu se croiser. D’ailleurs, peut-être l’ont-ils fait; je laisse aux exégètes de l’histoire de l’automobile le soin de m’éclairer sur la question. Ils furent en tout cas contemporains: l’un est né en 1922, l’autre en 1928. L’un était Français, l’autre Anglais. Tous deux furent de brillants ingénieurs de l’automobile et tous deux créèrent leur propre marque: Alpine en 1955, Lotus en 1952. Et tous deux professaient le même credo: le poids, c’est l’ennemi. «Light is right», disait l’Anglais. «Berlinette», répondait le Français. A l’opposé de la philosophie américaine selon laquelle rien ne remplace les centimètres cubes, Jean Rédélé et Colin Chapman avaient (peut être sans le savoir) énormément de points communs. Aujourd’hui, Lotus vivote et n’en finit plus d’accommoder sa structure en alu à toutes les sauces, parfois en s’éloignant sans vergogne des préceptes du père fondateur. Et Alpine revit, après avoir arrêté sa production en 1995! L’A110 (enfin) essayée en détail dans ce numéro (page 40) nous réjouit, oui. Nous enthousiasme, même. Elle restera assurément comme un coup de cœur de 2018. Pourquoi? D’abord pour sa ligne qui réinterprète une icône sans la dénaturer, sans artifices grossiers ou faussement technologiques. Pure et fluide. Par son poids aussi. Elle prouve qu’il est possible de faire aussi dynamique, voire sportif (et conforme aux crash-tests!) qu’un Cayman de base en pesant… 300 kg de moins. Et ça, nous l’avons mesuré: ce n’est pas un discours creux. A l’heure où la production automobile actuelle est engoncée dans ses impératifs de sécurité, de confort et de soi-disant attendue connectivité, sortir un coupé rigide, sûr, vif et précis, bien construit et pourtant pas ascète en ce qui concerne le confort, pesant à peine 1.100 kg, oui, c’est réjouissant. Et ça prouve que c’est possible. On s’étonne dès lors qu’Audi, qui avait, voilà quelques années, sorti une étude concluant en substance que 100 kg de gagnés, c’est 10 g/km de CO2 en moins, qu’Audi donc, par ailleurs grand défenseur de l’alu, produise des A7 Sportback de près de 2 tonnes (voir notre match, page 50). Et Audi est bien sûr loin d’être un cas isolé, dans une période de «SUVisation» à outrance. Prôner la légèreté, mais pratiquer la «SUVisance», voilà bien la schizophrénie du marché automobile. Un piège dans lequel Alpine n’est pas (encore?) tombé.
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