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Premier essai / Porsche 911 "997"

Rédigé par David Leclercq le

La frange la plus radicale de la clientèle de Porsche avait gardé quelques griefs envers la 911 «type 996». Sixième du nom et lancée 41 ans après l'originelle, la 997 a visiblement été développée en pensant aussi à eux. Les versions Carrera de 325 ch et C

La 911 est une automobile hors norme, tant par sa longévité (elle est apparue en 1963) que par sa personnalité, débordante. Par sa clientèle aussi, qui compte un noyau dur d'inconditionnels indéfectibles... et exigeants, car, c'est bien connu, qui aime bien châtie bien, et ceux-là ne s'en étaient pas privés à l'occasion du remplacement de la «993» par la «996». Un désamour qu'il serait malhonnête de réduire à du passéisme. Car au-delà de l'abandon de caractéristiques historiques mais non dénuées d'intérêt du modèle originel (comme une caisse appréciée pour sa compacité et la remarquable visibilité panoramique qu'elle favorisait grâce à un pare-brise vertical et bombé), ou carrément archaïques (comme le moteur à refroidissement par air), la «996» avait marqué une dérive bien réelle par rapport aux générations précédentes, dont les manifestations les plus évidentes étaient une ressemblance trop équivoque avec le Boxster, et une qualité perçue en baisse. En outre, au grand désespoir des conducteurs les plus sportifs, le lancement de la version Carrera 4 de cette «996» (fin 1998) avait coïncidé avec l'apparition d'un contrôle de stabilité PSM certes très utile sur la route, mais néanmoins gênant et intrusif dans le cadre d'une utilisation sur circuit, tandis que la suppression du différentiel autobloquant n'avait jamais pu être totalement compensée par l'utilisation d'un système agissant sur les freins. Dès lors, ne restait plus pour les puristes (assez fortunés) qu'à se rabattre sur les modèles les plus radicaux de la gamme 911  et par là moins conciliants pour un usage au quotidien  que sont les GT3 ou GT2. Ces faiblesses, qui n'ont pas empêché la «996» d'être la 911 la plus vendue de la saga du modèle, ont logiquement été prises en compte au moment de développer la type «997», qui reçoit des évolutions suffisamment nombreuses et profondes pour pouvoir être qualifiée de nouveau modèle.

Evolutions
Esthétiquement, la «997» marque notamment le retour aux optiques rondes à l'avant (complétées par des projecteurs additionnels encastrés dans le bouclier), et prend du muscle avec ses ailes élargies (la largeur passe de 1770 à 1808 mm). Plus discret, on note l'apparition de rétroviseurs à embase double branche et d'un bouclier arrière inédit surmonté d'un aileron optimisé. D'ailleurs, le Cx est amélioré par rapport à la «996» passant de 0,30 à 0,28 (pour la Carrera, 0,29 pour la S), tandis que la portance a encore été réduite pour une meilleure stabilité à haute vitesse, notamment grâce à un soubassement redessiné. Du côté mécanique, si le flat six 3.6 litres ne reçoit que quelques évolutions de détails  la puissance passe de 320 à 325 ch , le 3.8 litres (3824 cm3 par une augmentation de 3 mm de l'alésage) de la Carrera S a droit à de toutes nouvelles culasses  toujours à distribution Variocam plus  et à un résonateur de Helmholtz pour le collecteur d'admission, tandis que le dessin des nouveaux pistons porte le taux de compression à 11.8:1. La puissance maximum s'établit à 355 ch à 6600 tr/min (soit 200 tours plus bas que pour le 3.6) et surtout le couple culmine à 400 Nm dès 4600 tr/min. Une valeur élevée qui a notamment poussé les responsables du département transmission à opter pour une nouvelle boîte de vitesses. La «997» abandonne donc la Getrag 4-50 limitée à 370 Nm pour une Aisin A.I. (toujours à 6 rapports à commande manuelle) supportant plus de 400 Nm. Plus résistante mais pas plus lourde grâce à ses arbres creux, la transmission japonaise se distingue par une synchronisation à triple cône (acier revêtement carbone) sur les deux premiers rapports, double sur le troisième. La partie châssis évolue aussi en profondeur avec, à l'avant, toujours des pseudo-McPherson, mais dont les triangles inférieurs sont dorénavant articulés sur une traverse plus imposante portant la voie de 1465 à 1486 mm, tandis que les roulements de roues voient leur résistance augmenter par un diamètre accru. A l'arrière, la voie de l'essieu multibras a aussi été sensiblement élargie  à 1534 mm pour les jantes de 18 pouces, 1516 pour celles de 19. Les porte-moyeux sont dorénavant en aluminium, comme le berceau, dont le nouveau dessin fait simultanément l'économie d'environ un kilogramme et augmente la rigidité sous les efforts transversaux. En outre, le déplacement des points d'articulation détermine une nouvelle épure, dont l'effet anticabrage géométrique augmente de 25%. Le corps des amortisseurs est dorénavant en aluminium (70% plus léger), tandis qu'un système au tarage piloté baptisé PASM (pour Porsche Active Suspension Management, développé en collaboration avec l'équipementier spécialisé Bilstein) fait son apparition. Monté d'office sur la Carrera S, il est disponible en option sur la Carrera normale et s'accompagne d'une réduction de 10 mm de la hauteur de caisse. Deux accéléromètres verticaux solidaires de la caisse (un sur chaque essieu) conjugués aux capteurs du PSM (angle de braquage au volant, accéléromètre transversal, vitesse de lacet), d'enfoncement de la pédale d'accélérateur, ou de pression dans le maître-cylindre de frein, permettent aussi bien au calculateur spécifique du PASM de connaître l'état du revêtement que d'anticiper sur les changements d'assiette du véhicule dus aux manSuvres du conducteur. Enfin, un train de roulement sport est aussi disponible (à 1554,80 e sur la Carrera, en option gratuite sur la S). Constitué de ressorts, amortisseurs et barres antiroulis spécifiques, il réduit la garde au sol de 20 mm et, grande nouvelle, intègre un différentiel autobloquant à rampes et disques (taré à 22% en poussée, 27% en retenue). Les amateurs de pilotage sur circuit apprécieront.

Position de conduite optimisée
Mais la première évolution dont tout nouveau propriétaire se félicitera en s'installant au volant, c'est justement que ce dernier, à 3 branches, d'un dessin inédit et multifonction, soit dorénavant ajustable en hauteur aussi bien qu'en profondeur. La position de conduite s'en trouve très nettement améliorée, en particulier pour les grands gabarits. Les sièges sont aussi inédits, installés 10 mm plus bas au bénéfice de la garde au toit, et peuvent en option bénéficier d'un réglage pneumatique du maintien latéral pour l'assise et le dossier. En outre, l'utilisation d'une nuance d'acier au bore à haute résistance (le «Boron 02») pour la traverse de tablier a permis de réduire sa section et ainsi de repousser le pédalier de 10 mm.
L'habitacle présente également une qualité perçue en hausse sensible, avec une généralisation des panneaux moussés, tandis que les instruments ont été redessinés pour une meilleure lisibilité. L'aspect sécurité passive n'a pas été négligé, avec de nouveaux airbags de tête intégrés aux portières. Ce qui ne change pas, pour le plus grand plaisir des amateurs du modèle, c'est l'emplacement de la clé de contact, toujours à gauche, et la musique du flat-six à son réveil. Les premières manSuvres sont l'occasion de constater que la direction est plus directe (2,6 tours de butée à butée contre 3,0), mais seulement en fin de braquage. Car la crémaillère est dorénavant à pas variable, avec un rapport de démultiplication qui reste de 17,1°:1 (peu directe) autour de la ligne droite (30° de braquage au volant de chaque côté), mais descend jusqu'à 13,8°:1 (très directe) au-delà de deux tiers de tour de volant. De quoi augmenter la maniabilité sans grever la stabilité à haute vitesse. Car la direction de cette «997» est toujours un régal de précision et de linéarité, aussi plaisante sur une route sinueuse que sur l'autoroute, où son remarquable centrage favorise la tenue de cap.

PSM plus intelligent
Quant au freinage, les Carrera normales et S peuvent pour la première fois, en option, voir leurs disques en fonte remplacés par des éléments en céramique renforcé de fibres de carbone PCCB, garantissant une endurance encore supérieure et une réduction des masses non suspendues de 14 kg. Mais la nouveauté la plus attendue concerne l'évolution du PSM (le contrôle de stabilité maison). Basé sur une centrale hydraulique Bosch 8.0 plus légère et réactive, ce système dorénavant monté sur toutes les 911 voit sa stratégie de fonctionnement évoluer. Alors que le dispositif précédent, même mis hors service par l'interrupteur correspondant, restait actif lors de toutes les phases de freinage, l'actuel, dans le même contexte, ne se réactive que lorsque la consigne de freinage du conducteur est suffisamment importante pour déclencher une régulation d'antiblocage sur au moins une des roues avant.
Résultat promis: la 911, même équipée du PSM, doit retrouver l'agilité qui a contribué à forger sa réputation, en autorisant à nouveau de très efficaces attitudes de survirage provoquées par le transfert de charges d'un freinage prolongé en entrée de virage serré. Si le type de parcours et le niveau de fréquentation des routes empruntées pour cette prise en main ne nous ont pas permis de le vérifier, nous ne manquerons pas de le faire lors d'une prochaine excursion sur circuit. D'après le responsable du développement du modèle, cette évolution aurait notamment été réclamée par l'équipe d'essai. Comme quoi, lorsque les personnes compétentes sont consultées, il semble encore possible de conjuguer sécurité active et plaisir de conduite. Un plaisir que cette 911 type «997» s'emploie à distiller à chaque instant, quelle que soit sa vitesse de déplacement. Grâce à ses commandes d'abord (direction, frein, accélérateur), qui mettent immédiatement à l'aise tant elles sont précises et facilement dosables. Le levier de vitesse  dont les mouvements sont toujours prolongés par des câbles  voit notamment ses débattements raccourcis de 15% grâce aux efforts de sélection réduits de la nouvelle boîte. Plus rond et musical que jamais, le 3.6 impressionne tant par ses capacités de reprises que par sa puissance. Le 3.8, plutôt discret jusqu'ici, ne fait vraiment la différence qu'à partir de 5000 tr/min, lorsque le résonateur de Helmholtz change de registre et transforme le chant du flat-six en hurlement de mécanique de course. Paradoxalement, c'est la Carrera S qui nous a semblé la plus confortable. En tout cas lorsque l'amortissement piloté PASM est en mode normal, le mode sport se montrant logiquement excessivement taré pour le revêtement imparfait de nos routes d'essai. Le châssis sport n'était pas disponible pour cette présentation. Mais le responsable des essais a bien voulu nous communiquer quelques chronos évocateurs relevés sur la mythique boucle Nord du Nürburgring: la Carrera S type «997» équipée du châssis sport (7'59) serait plus rapide de 28 s que la 996 Carrera (8'27), et ne serait qu'à 2 s du temps réalisé par une «996» Turbo (7'57)... Sur quoi il est parti d'un grand éclat de rire en parlant de ses collègues encore à pied d'Suvre sur le développement de la future 997 Turbo. C'est une très bonne nouvelle: la 911 type «997» ne contente pas de quelques progrès objectifs et quantifiables par rapport à la «996»; elle renoue aussi avec l'esprit des modèles plus anciens de la saga. Plus conciliante que jamais et que toutes ses rivales directes pour un usage quotidien, elle saura aussi satisfaire ses fidèles les plus exigeants, ceux qui n'hésitent pas à aller explorer ses limites sur un circuit.

Dans cet article : Porsche, Porsche 911

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