Le concept
Apparue donc en 2014 pour remplacer la Gallardo lancée, elle, en 2003, l’Huracàn a d’emblée rencontré son public grâce à une rigueur toute germanique, due à l’implication d’Audi dans la conception et l’industrialisation d’une gamme jusque-là très latine dans l’approximation. La génie des dirigeants de la marque ayant résidé dans leur capacité à malgré tout conférer à leurs modèles une personnalité très forte, passionnelle, loin de la rigueur un peu froide d’une Audi R8, alors que les deux modèles partagent les mêmes dessous. Mais pas le même costume trois pièces ni le même sex-appeal. Bien avant le SUV Urus, l’Huracàn a donc largement contribué à redresser les comptes d’un taureau qui commençait à courber l’échine. Aujourd’hui, les choses vont bien, comme l’indique d’ailleurs Stefano Domenicali qui a repris les rênes de la marque après son départ de la Scuderia Ferrari en F1 : «en 2018, nous avons connu une croissance de nos ventes de l’ordre de 51% par rapport à 2017. Nous avons livré 5.750 voitures à nos clients et l’Urus a attiré à lui seul 70% de nouveaux clients vers notre marque.» Si bien qu’aujourd’hui les moyens sont là pour offrir un léger restylage à la gamme Huracàn. Restylage inauguré par le lancement d’une nouvelle version Evo qui vient se positionner à côté de la Performante, sans la remplacer cependant. Cette dernière reste le coupé brutal, pur et dur, axé sur le sport sans concessions ou presque à un usage routier. L’Evo se présente plutôt comme une sophistication électronique intégrant de nouveaux paramètres et calculateurs, greffés sur une base mécanique quasi inchangée et destinée à élargir son spectre de compétences.
Ce qui change
Le travail a notamment porté sur l’aérodynamique, comme le confirme Maurizio Reggiani, le chef de projet : «le coupé Huracàn du début manquait d’appui aérodynamique sur l’arrière alors que la Performante bénéficie d’une « downforce » incroyable mais aux dépens de sa traînée aéro. Comme elle est appelée à être utilisée essentiellement sur circuit, ce n’est pas grave. Mais pour l’Evo nous avons cherché à soigner son efficience aérodynamique, c’est à dire son ratio entre l’appui et la traînée. De fait, l’Evo et 6 fois plus efficiente que le coupé Huracàn du début alors que l’appui est multiplié par 7 !» Cela passe comme souvent par un nouveau splitter avant, un nouveau fond plat et un diffuseur arrière plus large et haut, ce qui a nécessité de remonter les sorties d’échappement. Le petit becquet arrière apporte lui aussi sa pierre à l’édifice en divisant le flux d’air pour le « calmer ». Par rapport à celui de la Performante, le V10 atmo et la boîte robotisée sont pratiquement inchangés. Le bloc développe en l’occurrence 640 ch et 600 Nm. Il risque d’apparaître bientôt comme un collector face à la sévérisation des normes qui condamneront sans doute à terme ce type de moteur. Profitons-en, ce moteur est un régal. Les lendemains automobiles seront sans doute plus silencieux.
La grosse évolution de l’Evo est à chercher du côté de l’électronique. Car elle intègre une centrale inertielle qui, à partir de capteurs de roulis, cabrage et de lacet, intervient sur les réglages des amortisseurs magnétiques pour adapter en continu leur tarage en fonction des exigences du moment, dans le même temps où l’électronique se charge de la répartition du couple du moteur entre les essieux et également entre les roues d’un même train via une fonction de Torque Vectoring. Cette centrale dénommée Lamborghini « Dinamica Veicolo Integrata » gère aussi bien entendu le traction control. La transmission intégrale intègre un différentiel arrière autobloquant, un différentiel central variable et un différentiel avant ouvert, nécessaire au bon fonctionnement de l’ABS. La nouveauté majeure consiste en une capacité de prédiction de la centrale qui permet d’adapter les paramètres de la conduite anticipativement et non plus a posteriori grâce à un algorithme qui prend en compte également le mode de conduite sélectionné et la détection d’un environnement de conduite ; route, circuit,… L’Huracàn Evo intègre en outre un train arrière directionnel, inauguré par l’Aventador S et le récent Urus, grâce auquel l’empattement virtuel peut se voir considérablement réduit au profit de la maniabilité alors que l’empattement « réel » long assure la stabilité.
Comment ça roule
On l’aura compris, l’Huracàn Evo dispose d’un arsenal électronique tout à fait inédit et disons-le d’emblée, parfaitement intégré. Nous n’avons pas pu tester la voiture sur route ouverte et on s’abstiendra dès lors de tout jugement. Mais sur circuit, quel régal, même si on en vient à penser qu’il est destiné à rendre la voiture plus « simple » à conduire pour un conducteur lambda, celui serait effrayé par la brutalité de la Performante. Ici, il suffit de regarder le point de corde pour que la voiture y aille, aidée par sa direction active, de plus en plus directe au fur et à mesure que l’angle au volant augmente. La sortie de courbe est en vue ? C’est quasi « full throttle » tant l’électronique gère la furie du V10 avec une efficacité redoutable que n’a pas le commun des mortels.
En mode corsa, l’auto gère ses drifts, vous faisant passer pour un pilote d’exception. Mais c’est l’auto qui travaille, pas celui qui est derrière le volant. Jamais sans doute une sportive de cette trempe, si rapide et efficace n’aura été si facile à prendre en main. Du moins, le fait-elle bien croire. Jusqu’à à un certain point. Car le risque est que la confiance montant si rapidement, la vitesse d’entrée en courbe risque vite d’être surévaluée, avec à la clé, un sous-virage chronique (et d’ailleurs voulu par les metteurs au point) dû à une mauvaise conjonction entre vitesse trop élevée, accélération latérale trop forte et masse donnée. Les limites de la physique sont là et contre elles, on ne peut rien. Dès lors, si le conducteur lambda se prendra vite pour un «bon» et pourra réellement jouir de son Evo dans une relative sécurité, il faudra encore malgré tout être encore bon pilote pour aller vraiment vite avec l’Evo. Par exemple en comprenant qu’il ne sert à rien de rentrer «comme un malade» dans les courbes, au risque de «tuer» sa vitesse de sortie, mais de soigner au contraire cette vitesse de sortie en ré-accélérant très tôt et en s’appuyant sur l’électronique pour faire passer à la route tout le potentiel d’un châssis exceptionnel.
Budget
Les prix belges ne sont pas connus de manière précise. Mais le tarif devrait en toute logique tourner autour des 222.000 € environ. Voilà qui place l’Evo en concurrence de sacrées références, à commencer par la récente Audi R8 Performance (620 ch – 560 Nm), Ferrari 488 GTB (669 ch – 760 Nm), McLaren 600 LT (600 ch – 620 Nm), Aston Martin Vanquish (600 ch – 630 Nm) ou encore Mercedes-AMG GT R (585 ch – 700 Nm). Il y a du comparo dans l’air… Chef, vous êtres là ?
Notre verdict
L’Huracàn Evo constitue aujourd’hui ce qui se fait sans doute de meilleur en matière d’intégration électronique au service du conducteur et de la performance. Une intégration harmonieuse d’aides à la conduite bien pensées, à l’utilité directement perceptible même si comme toujours, il faudra encore disposer de certaines compétences derrière le volant pour les utiliser au mieux. Mais le conducteur lambda pourra plus facilement profiter des incroyables qualités dynamiques de sa Lambo sans pour autant se faire peur. L’Evo atteint ainsi une réelle polyvalence et élargit son spectre de compétences, trouvant sa place aux côtés d’une Performante nettement plus radicale et plus résolument sportive. Par ailleurs, par rapport à cette dernière l’Evo joue la carte d’une certaine discrétion en se refusant à adopter les ailerons voyants de sa cousine de gamme. Le V10 se suffit à lui-même dans l’exaltation d’une sacrée personnalité.
- Intégration électronique réussie
- Personnalités multiples et affirmées
- Efficacité et plaisir de conduite, V10 enchanteur
- Trop facile à la limite ?
- Masse globale restée importante
- Freins à surveiller sur circuit
Dans cet article : Lamborghini, Lamborghini Huracán
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