Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Cette célèbre citation de Jean de La Fontaine, datant de 1678, semble traverser les siècles avec une acuité qui ne se dément pas. Elle peut s’appliquer à de multiples pans de notre société contemporaine, y compris au secteur qui nous occupe, l’automobile. La crise des semi-conducteurs a jeté une lumière nouvelle et crue sur cette vérité. Une lumière inattendue. De quoi s’agit-il? Une crise dans l’approvisionnement de composants électroniques destinés à nos chères voitures, crise aussi soudaine que brutale, a mis à l’arrêt des usines, déjà malmenées par la crise du Covid. Sans ces composants essentiels, pour la plupart produits en Asie, pas de production possible. Pas de production, pas de livraisons. Pas de livraisons, pas d’immatriculations. Comment s’étonner dès lors que les immatriculations, sur le seul mois d’octobre, soient en recul de 30% en Europe? Déjà déboussolé par les innombrables restrictions présentes et à venir concernant l’usage de sa voiture, l’automobiliste doit cette fois composer avec des délais de livraison historiquement longs et pour la plupart non définis avec précision. C’est ce que nous explique dans ce numéro le mini-dossier que nous consacrons à ce sujet. Mais une conséquence m’a interpellé. Si un constructeur reçoit un composant en pénurie, il va l’attribuer en priorité à un modèle à forte marge pour tenter de préserver sa rentabilité. Autrement dit, pour prendre un exemple dans le groupe Volkswagen, si une puce arrive par miracle, elle aura plus de chance d’être installée dans une 911 plutôt que dans une petite Polo de base. Par voie de conséquence, le client Porsche sera livré plus rapidement que le client lambda, désargenté. Et cette façon de faire n’est en rien spécifique au groupe allemand; elle est généralisée dans le secteur auto. Compréhensible sur le strict point de vue économique, cette pratique paraît plus discutable sur le plan éthique. Car, dès lors, l’immense majorité des acheteurs, s’ils ne peuvent attendre pour diverses raisons, doivent alors se rabattre sur les véhicules de stock ou d’occasion, qui eux aussi commencent à se faire rares, avec à la clé une augmentation des prix. Et donc sans avoir le choix de la couleur, des options... À prendre ou à laisser. Le haut de gamme se porte donc très bien; le reste doit se débrouiller. On savait nos sociétés en voie de dualisation galopante. Cette crise des composants, par les dommages collatéraux qu’elle induit, jette aujourd’hui un nouvel éclairage sur un phénomène de plus en plus prégnant…
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