La proposition du Ministre Fédéral François Bellot d’accepter le 130 km/h n’a pas été entendue par ses homologues régionaux et par l’opposition. On le taxe notamment d’inconscience et de stratégie électoraliste. Du côté wallon, Maxime Prévot craint que le 130 km/h accroisse « considérablement la gravité des accidents ». Il précise de suite qu’il se base pour cela sur la confirmation qu’il a reçue des « spécialistes de la sécurité routière dont l’AWSR (agence wallonne de sécurité routière) ». On nous a aussi expliqué qu’en Belgique, il y avait beaucoup d’échangeurs et que le 120 km/h était donc mieux adapté. Mais c’est surtout du côté flamand qu’il a été le plus critiqué où le 130 km/h est « inacceptable ».
3 fois plus de morts, vraiment ?
Le Ministre flamand Ben Weyts n’y est pas allé avec le dos de la cuillère dans la presse : avec le 130 km/h « le nombre de morts a triplé en un an » sur les autoroutes des Pays-Bas, claironne-t-il. S’il se base sur des chiffres (ci-contre) de la police néerlandaise, en bon communicateur, il les manipule à son profit. La vérité est toute autre. Il s’est basé sur des données qui indiquent qu’entre 2014 et 2015, le nombre de décès sur les autoroutes néerlandaises à 130 km/h est passé de 10 à 32. En 2013, il y avait eu 12 décès. Mais il faut replacer ces chiffres dans leur contexte. Notamment sur la mortalité routière de tout le pays ainsi que sur les tronçons laissés à 120 km/h. Bien que moins nombreux, ces derniers sont restés tout aussi mortels. Et du coup, le 130 km/h ne semble plus être le seul coupable.
621 au lieu de 531
En outre, ce tableau ci-dessus ne reprend que les chiffres de la police qui a comptabilité 531 décès en 2015. Les donnée plus complètes sur base de dossiers judiciaires et d’actes de décès indiquent 621 morts sur les routes néerlandaises en 2015. L’Institut de sécurité routière SWOV a également constaté que la hausse se confirmait en 2016 (629 décès). Malheureusement, cet organisme ne donne pas d’indications sur le régime de vitesse (contrairement à celles sur la région, l’âge du conducteur ou les heures des accidents). Leur rapport indique que le 130 km/h n’est sans doute pas la seule explication. Il est vrai que d’autres éléments que la vitesse peuvent jouer : météo, événements structurels, augmentation du trafic, autres facteurs accidentogènes en croissance… Cette hausse des morts sur les routes doit donc être étudiée plus en profondeur. D’autant que la majorité des accidents mortels ont lieu sur les routes de 50 km/h et 80 km/h (vitesse hors agglomération aux Pays-Bas).
Pays sûrs, pays lents ?
Une autre comparaison chiffrée est intéressante. Sur base d’un tableau de l'étude de l’IBSR, on peut établir un classement des pays en fonction des morts par milliard de véhicules par km et de mettre cela en parallèle avec la vitesse maximale autorisée.
Pays |
Vitesse limite autorisée |
Décès par milliards de véhicules par km / an |
Décès par million d’habitants / an |
Royaume-Uni |
113 (70 mph) |
1,1 |
1,9 |
Danemark |
130 |
1,2 |
2,8 |
Pays-Bas |
130 |
1,4 |
5,0 |
Autriche |
130 |
1,5 |
5,1 |
France |
130/110 |
1,8 |
4,6 |
Allemagne |
[130] |
1,9 |
5,0 |
Espagne |
120 |
2,3 |
6,3 |
Slovénie |
130 |
2,7 |
7,4 |
Belgique |
120 |
3,0 |
9,6 |
Croatie |
130 |
3,4 |
4,3 |
Italie |
130 |
3,7 |
5,4 |
Portugal |
120 |
3,8 |
N.D. |
Hongrie |
130 |
4,1 |
3,4 |
République tchèque |
130 |
4,2 |
3,0 |
Pologne |
140 |
7,9 |
1,6 |
Suisse |
120 |
N.D. |
3,0 |
Grand-Duché de Luxembourg |
130/110 |
N.D. |
6,0 |
Difficile donc de trouver une corrélation entre la vitesse et le nombre de décès par milliard de véhicules par km par an sur autoroute.
Pas possible en Belgique ?
Aux Pays-Bas, on risque l’amende dès 131 km/h (hors marge technique à 3 %). Il n’est donc pas question de se risquer à frôler les 140 km/h, d’autant que les contrôles sont omniprésents. De plus, avec ses 2678 km, on y trouve une des plus grandes densités autoroutières du monde. Dès lors, impossible d’argumenter qu’en Belgique, ce serait trop dangereux à cause des nombreuses entrées et sorties. Il y a en a également beaucoup aux Pays-Bas (et au Luxembourg). Le problème semble à la fois idéologique et politique. Mais aussi citoyen. Le conducteur belge a mauvaise réputation. Peut-être parce qu’il est mal formé, voire frustré par une mobilité défaillante sur des routes dégradées (et dégradantes). Il est temps que nos dirigeants se rendent compte qu’en matière de sécurité routière ; l’avenir c’est H.I.E.R. : Harmonisation, Infrastructures, Éducation, Responsabilisation.
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