L’histoire de la Phaeton est liée au départ de l’homme fort du groupe, Ferdinand Piëch, du directoire de Volkswagen. Afin de célébrer l’événement, pourquoi ne pas concevoir la meilleure voiture jamais conçue par la marque ? Ambitieux, mais à quoi ça sert de la badger Volkswagen lorsque le groupe possède Audi ou… Bentley ? À quoi ça sert de sortir une concurrente aux marques « premium » du groupe ? Mais pourquoi pas, après tout ? Ce n’est pas la première Volkswagen « exclusive » et folle née dans le giron de Piëch, en témoigne la Passat W8. Pourtant, aucune marque « populaire » n’aurait osé une telle démarche… Et, quitte à continuer dans l’art de se tirer une balle dans le pied, Volkswagen ouvrira même une usine à Dresde pour l’occasion… De sacrés moyens mis en œuvre pour un défi qui semble perdu d’avance.
La mégalomanie ne s’arrête pas là, avec un cahier des charges décidé par Piëch himself, sur lequel bon nombre d’ingénieurs s’arracheront les cheveux : pouvoir rouler à 300 km/h (la Phaeton sortira avec une bride électronique à 250) pendant deux heures, sans aucune vibration du moteur ou de la carrosserie, par une température extérieure de 50°C, la clim’ maintenant l’intérieur à une température n’excédant pas les 22°C… Très spécifique, tout ça. Les ambitions gargantuesques du chef d’entreprise ne s’arrêtent pas là et Volkswagen espère écouler 25.000 exemplaires dans l’année… On arrivera très loin du compte.
« Une grosse Passat »
On sait que certains directeurs et autres grands de ce monde aiment voyager de manière discrète. Oseront-ils pourtant le faire dans une voiture badgée Volkswagen ? N’allons pas si loin. La ligne, bien que plaisante, inspirée du Concept D de 1999, reste somme toute très classique et ne la distinguera pas, pour le commun des mortels, d’une Passat endimanchée. Coup dur pour la vitrine technologique du groupe, dévoilée à Genève en 2002, dont le plumage peine à mettre en avant le ramage. Qui plus est, qu’est-ce qui ferait que son public la préfère à une A8, de conception plus moderne (châssis en aluminium), la rendant plus légère (la Phaeton, tout en acier, dépasse les 2,1 tonnes, la plus lourde des A8 de cette époque faisant 1,8 tonne), et aux anneaux plus valorisants. De plus, on recherche dans ce segment toujours un peu une image statutaire, que l’on ne retrouvera certainement pas dans une « voiture du peuple ». L’option empattement long n’y fera pas grand-chose de plus. Dur de croire à sa parenté avec les Bentley de l’époque…
De l’art de compliquer les choses
L’ingénierie made in Germany se ressent bien plus à l’intérieur. Dans cet étalage de cuir et de bois, la Phaeton ose le raffinement ultime. Pensez donc, quelle voiture proposerait les sièges arrière massants, chauffants et ventilés en 2002 ? Les aérateurs se trouvent occultés derrière des volets en ronce de noyer, qui s’escamotent un fois que la climatisation, quadrizone, juge avoir besoin des aérateurs. Une idée que reprendra Jaguar sur sa XF quelques années après. Nul ne connaîtra la buée dans une Phaeton, cette dernière disposant d’un dispositif de désembuage à chaque vitre. L’infodivertissement, bien que daté aujourd’hui, permettait de surveiller la pression des pneus, jusqu’à la roue de secours ! Les opérations de maintenance se font à partir de ce dernier aussi, comme le changement d’ampoules, une fonction permettant de déverrouiller le dispositif d’ajustement des phares. Et le tableau d’instruments, plateforme identique oblige, est le même que celui des Bentley Continental Flying Spur, avec affichage de l’ordinateur de bord en couleur, quelque chose d’assez impressionnant en 2002 !
Vaisseau de la route
Au chapitre de l’éventail de mécaniques proposées par la Phaeton, Volkswagen a mis les petits plats dans les grands. En essence, l’entrée de gamme est assurée par un VR6 3.2 (241 ch), porté à 3.6 dès 2008. Ensuite, on retrouve un V8 4.2 de 335 ch. Le sommet de la gamme est porté par le fameux W12, de 420 puis 450 ch. Années 2000 obligent, Wolfsburg propose aussi son si cher TDI, sous la forme d’un V6 3.0 (224 puis 233 ch), et un V10 5.0 loin d’être inintéressant, le même que l’on retrouve dans le Touareg.
Forcément, Volkswagen a tout misé sur le confort… De quoi avaler des kilomètres d’autoroute avec une aisance déconcertante. Bien qu’elle avoue ses faiblesses sur les trajets sinueux, la Phaeton, dotée de 4 roues motrices en permanence, saura sortir des pires situations en tout temps, tout en restant plaisante à conduire… Avec plus de 2 tonnes, difficile de faire des miracles.
La Phaeton, un échec prédestiné ? À sa fin de carrière en 2016 (Oui, 14 ans, très long dans l’histoire de l’automobile actuelle !), seuls 84.000 exemplaires seront sortis de l’ultramoderne « usine de verre » de Dresde. On fera aisément les calculs à partir des 25.000 annuels escomptés. Ce n’est pas faute de restylages et de mises à jour afin de la garder dans le coup. Wolfsburg finira par avouer perdre jusqu’à 28.000 € par Phaeton produite… L’impressionnante usine de verre sera recyclée dans la fabrication des modèles électriques de la marque, symbole du renouveau post-Dieselgate. Tout n’est pas perdu, donc.
Si la belle est assez rare chez nous, on en trouve de nombreux exemplaires au gré des annonces dans les contrées germanophones… À des prix matraqués, faute d’un coût de maintenance abordable. Des hauts kilométrages s’obtiennent autour des 2000-3000 €, surtout en V6. Les kilométrages moindres autour des 6000 €… Comptez 15.000 € pour les modèles les plus récents, soit une Golf d’occasion… Dur d’y voir une berline digne d’une Classe S dont les hauts de gamme dépassaient allègrement les 100.000 € (prix de départ: 62.550 € en 2006 pour un 3.2 à essence)… Et dont, déjà en son temps, la dépréciation se faisait à vitesse éclair. La Phaeton est un fabuleux vaisseau pour quiconque a envie de s’y intéresser, pour initiés même, déjà précipitée dans le creux de la vague. Seuls les coûts d’entretien en rebuteront plus d’un (encore une fois, ce n’est pas une Passat), le manque d’image aussi, peut-être. Mais ceux qui oseront s’y aventurer verront leurs efforts récompensés un jour, ne serait-ce que par sa rareté et l’histoire passionnante derrière, même si… La traversée du désert sera très longue pour ce haut de gamme déchu.
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