À l’aube des années 90, parmi tous les grands salons internationaux, celui de Detroit fait figure d’exception et constitue, pour les grands enfants que nous sommes, une sorte de récréation. Tout d’abord parce que, contrairement aux autres salons organisés par les constructeurs, il est dans les mains des concessionnaires locaux. Ensuite parce que, à l’époque, il est une fête à l’automobile, un show permanent où la majorité des marques présentes, et plus particulièrement américaines, rivalise d’originalité pour présenter des spectacles hauts en couleur truffés d’effets spéciaux sans aucune limite d’imagination, de budget et d’audace, dignes d’Hollywood.
>>> Le texte complet de cet essai est disponible dans le Moniteur Automobile 1755, par Stany Meurer.
Époque bénie
C’est dans ce contexte un peu fou que Volkswagen avait choisi de présenter sa Concept 1 en ce début de mois de janvier 1994 dans le hall principal du Cobo. S’il fait très froid dehors, la température est torride à l’intérieur et va encore monter d’un cran lorsque le voile glisse, dévoilant ce remake de Coccinelle tout de jaune vêtu. Dans l’assemblée des professionnels, c’est le délire et tout le monde a la même question sur le bout des lèvres : quand cette voiture sera-t-elle mise sur le marché?
Jusqu’au dernier moment, le secret de cette présentation fut bien gardé. La rumeur qui circulait et enflait au fil des heures faisait état d’une mini-voiture... mais pas d’une descendante néo-rétro à la Coccinelle. La surprise ne fut que plus grande. Dessinée dans le centre de design avancé de Volkswagen basé à Simi Valley en Californie et présentée comme un concept « back to the future », la voiture ne peut renier ses origines par son style très Cal-look. Campé sur des roues immenses (pour l’époque !) de 18 pouces, l’engin mesure 3,83 m de long (contre 4,06 m pour une Cox classique et 4,11 m pour un modèle 1303) et est annoncé basé sur une plateforme de Golf, ce qui présage d’une mise en production éventuelle... mais non confirmée officiellement !
Une frénésie
Pour la propulser, trois possibilités sont cependant vaguement évoquées, toutes entraînant les roues avant. Tout d’abord on parle de l’archi-connu 1.9 TDi marié à une transmission automatique. Ensuite d’une solution hybride combinant un 3-cylindres turbo Diesel à injection directe de 1,4 litre à un moteur électrique de 25 ch. Enfin d’une formule 100% électrique avec un groupe de 50 ch secondé par une boîte automatique à deux rapports, la voiture emportant 250 kg de batterie. Pour un constructeur qui prétend ignorer quel avenir donner à son concept, ces précisions sont troublantes...
Passé le moment d’euphorie et de la satisfaction du coup médiatique réussi, le grand patron de la galaxie VW, Ferdinand Piëch, devine le piège se refermer sur lui. Plus moyen de reculer, on en a trop dit, il a été trop écrit sur le sujet et le public attend de pied ferme une réponse concrète. D’autant que certains futurs clients sont déjà passés à l’acte, comme cette dame du Michigan qui, dès les portes du salon refermées, s’est empressée d’envoyer à l’importateur américain un chèque de 500 $ pour honorer sa commande !
Or, ce que Piëch veut, Dieu le peut. Et les choses s’accélèrent donc rapidement. En mars de la même année, le choix de la plateforme est confirmé : ce sera celle de la Golf 4. Dès la mi-1995, la première voiture roule. Et en janvier 1998, soit à peine 200 semaines après la présentation de la Concept 1, la New Beetle est dévoilée en grandes pompes au salon de Detroit. La boucle est bouclée.
Par rapport à la Concept 1, la New Beetle a grandi pour se rapprocher du format du modèle original. En longueur, elle mesure désormais 4,10 m et repose cette fois sur des jantes de 16 pouces. Alors qu’il avait été mentionné un poids à vide de 907 kg (!) avec un moteur thermique, celui-ci a sensiblement augmenté pour atteindre 1.292 kg, soit davantage que le poids avancé pour l’hypothétique variante électrique (1.250 kg).
Influence US
L’allongement du véhicule a été imposé par le choix de la plateforme PQ34, celle-là même qui a servi de base à la Golf 4 mais uniquement : il a été rendu obligatoire pour répondre aux exigences américaines en matière de sécurité. Cet étirement de 27 cm s’est fait en partie sur l’empattement, mais aussi sur les porte-à-faux avant et arrière. Plus longue, la New Beetle est aussi plus large que le concept dont elle dérive. Durant l’opération, le pare-brise a été avancé sans modification de la position de conduite afin d’améliorer l’accessibilité et l’arc de cercle du pavillon a vu sa courbure s’adoucir.
En intervenant sur toutes les cotes, les proportions du véhicule de série s’avèrent bien différentes de celles du prototype qui l’a engendré, sans pour autant que le côté émotionnel et sympathique du dessin initial n’ait été édulcoré. Interrogé quant à l’influence de l’école californienne sur la New Beetle, Hatmuth Warkuss, responsable du design pour le groupe Volkswagen, nous avait confié lors d’une interview en 1998: «Si on doit dire que le concept sort de notre studio US, il faut ajouter que beaucoup de son contenu, mais aussi de son esprit, est allemand. Le design californien aura apporté principalement une certaine légèreté au projet, grâce à son côté épuré. Des caractéristiques qui le rendent provocateur ».
2 moteurs, au début !
En Europe, dans un premier temps, la New Beetle fut disponible avec deux moteurs exclusivement. D’une part un 2 litres à essence développant 115 ch et, d’autre part, le 1.9 TDi annoncé dès le départ dans sa configuration 90 ch. L’offre s’étoffera par la suite avec plusieurs motorisations dont un atypique V5 de 2,3 litres fournissant 170 ch à la sonorité envoûtante.
La plus emblématique, la plus rare aussi et donc forcément la plus recherchée aujourd’hui des New Beetle par les collectionneurs, reste toutefois la RSi produite à 250 exemplaires en 2001. Sous son capot se trouvait un V6 ouvert à 15° inédit dans sa cylindrée de 3,2 litres et développant 225 ch (il équipera en décembre 2002, dans une variante poussée à 241 ch, la Golf 4 R32) dont la force était transmise aux quatre roues en permanence, une version vendue neuve à un prix absolument délirant (79.326 €, alors qu’une Beetle 1.6 de base coûtait 16.658 € !).
Uniquement disponible en version deux portes lors de son lancement et durant toute sa carrière, la famille New Beetle sera déclinée par la suite en cabriolet, apparu en Europe au printemps 2003. À bord, outre la position de conduite singulière avec ce grand pare-brise qui remonte très haut, le détail qui tue est incontestablement le soliflore qui ne fait aucun mystère quant à la clientèle visée.
À l’essai dans le Moniteur
À l’épreuve du bitume, sans surprise, on retrouve un produit sérieux et efficace, bien dans la lignée de la production de la marque, avec cette touche de fantaisie qui le rend attachant. Avec une forme de désinvolture aussi dans la fabrication et dans le choix des matériaux aussi inconnue sur une Golf ou une Passat et qui, à la longue, désenchantera le client fidèle de la marque.
Lors du premier essai consacré au modèle et réalisé sur une version 1.9 TDI (Moniteur n°1176 du 7 janvier 1999), notre Rédacteur en Chef Xavier Daffe avait attribué ses étoiles au comportement routier précis et sain, à l’agrément de l’ensemble moteur/boîte et à l’équipement de série jugé complet. En revanche, il avait moins apprécié l’habitabilité arrière réduite, le volume du coffre mesuré et l’insonorisation qu’il avait jugée perfectible, des défauts auxquels il avait ajouté une sensibilité au vent latéral.
En guise de conclusion, il soulignait que la New Beetle était le fruit de l’extravagance et de l’enthousiasme de créatifs qui ont pu, grâce à la santé florissante que connaissait alors le groupe VW au niveau mondial, mener leur projet à terme. Et il ajoutait cette remarque digne d’une prophétie : « Sans doute qu’en d’autres temps, il eût été moins facile de convaincre de tristes directeurs financiers étriqués dans des costumes sombres du bien-fondé de la mise en production d’un modèle si atypique ».
Depuis, Ferdinand Piëch a disparu, le Dieselgate a miné le dynamisme des concepteurs et ruiné les finances du constructeur de Wolfsburg, et la vague verte a achevé de tuer dans l’œuf de pareilles initiatives, disons folkloriques. Autres temps, autres mœurs certes, mais la fraîcheur de programmes comme celui de la New Beetle nous manque. Rien que pour cela, elle mérite notre attention. Notre intérêt aussi dans la mesure où, très abordable, elle s’avère une rampe d’accès dans l’univers des Youngtimers.
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