Au-delà de leur rigueur journalistique et de leur point de vue de professionnels de l’automobile, les membres de la rédaction sont avant tout des automobilistes et des citoyens lambda. Dans « Rédacteurs sans filtre », c’est le cœur qui s’exprime avant tout ! Cette semaine, nous leur avons demandé ce qu’ils pensaient de la capacité des marques françaises à prendre une place sur le marché premium.
C'est une question fascinante, car dans de nombreux domaines, la France est une nation leader en matière de luxe, qu'il s'agisse de parfums, de nourriture, de boissons, de mode ou de tout autre produit. Le progrès technologique est également inscrit dans ses gènes, pensez au Concorde ou au TGV. Mais lorsqu'il s'agit de voitures, ils ont perdu cet élan.
À court terme, les constructeurs français n'ont d'autre choix que de rester généralistes. Il n'y a rien de mal à cela ; toute personne capable d'offrir un bon produit à un large public mérite autant de respect qu'une marque censée se situer plus haut dans l'échelle. Mais cette hiérarchie n'est pas statique. Citroën était autrefois plus prestigieux qu'aujourd'hui, tandis qu'Audi, BMW et Volvo ne faisaient pas partie du club il y a un demi-siècle. Lexus n'existait pas encore, mais aujourd'hui, aux États-Unis, c'est une marque tout aussi prestigieuse que les marques allemandes, et à juste titre.
La notion de "premium" est bien sûr principalement liée à la marge bénéficiaire plus élevée que toute entreprise s'efforce d'obtenir. Pour l'ancien PSA, la question ne se pose plus, maintenant que Stellantis a dans son portefeuille des marques comme Maserati, Lancia et Alfa Romeo qui pourraient porter ce statut, à condition bien sûr que la relance soit menée avec doigté. Dans ce cas, il est inutile de continuer à investir dans DS. Pour Renault, la question est plus difficile, même si les Parisiens sont prêts à faire une tentative avec Alpine. Il sera toutefois difficile de concurrencer les "trois grands" (Audi, BMW et Mercedes), car ils ont construit un énorme appareil autour de leurs produits, avec par exemple un marché de l'occasion qu'ils contrôlent en partie, de sorte qu'ils peuvent également influencer les valeurs résiduelles.
En dehors de cela, j'aimerais toujours voir une grande routière française aussi avant-gardiste que la Citroën CX d'autrefois. Malheureusement, la C6 d'il y a une décennie et demie a montré que presque personne n'attend cela.
Oui, à condition qu'ils osent sortir des sentiers battus. Les trois constructeurs premium allemands sont aujourd'hui maîtres du jeu de la numérisation, une course dans laquelle les Français sont actuellement à la traîne. Tenter de se remettre à niveau ou de prendre le dessus demandera du temps, de l'énergie et des budgets incroyables. Sans aucune garantie de succès, soit dit en passant. Il faudra donc procéder différemment. Comme Citroën le fait déjà en optant systématiquement pour un confort élevé et un design quelque peu inhabituel. Si seulement ils appliquaient cette stratégie à la marque DS également...
Depuis la retraite de la Citroën DS en 1975, il semble bien que l’industrie française s’époumone en voulant rejoindre le (haut de gamme) premium. Pourtant, il y a eu de (belles ?) tentatives comme la Citroën CX, la Peugeot 505 ou même les Renault 25 et Safrane. Mais il manquait toujours un petit quelque chose technologique, mécanique ou au niveau du service après-vente. Il y a eu des échecs cuisants : « Allo Vel Satis ? ». Où même les efforts des ministres et présidents pour rouler français par vents et tempêtes ne changent rien à l’affaire : le premium reste la chasse gardée des allemandes aux yeux de la clientèle finalement plus réactionnaire que progressiste. En outre, les constructeurs allemands ont l’avantage de baigner dans un environnement industriel et politique plus propice au haut de gamme décomplexé qu’aux polémiques et culpabilité franco-parisiennes. DS a-t-elle le pouvoir de changer le cap du pavillon bleu-blanc-rouge ? Elle mise en tout cas sur un style, une communication et un luxe « à la française » pour se démarquer. C’est le minimum syndical pour sortir les marrons du feu. Mais la DS 9 saura-t-elle détourner les amateurs de berlines allemandes (ou britanniques) ? Pas si sûr…
Pour moi, le terme « Premium » est d’abord un mot fourre-tout qui veut tout et rien dire à la fois lorsqu’on parle d’une automobile. Cela étant dit, j’admets aisément que l’aspect qualité perçue – ce qui, pour moi, équivaut au « Premium » - reste un vrai problème pour les marques françaises.
Le souci n’est pas nouveau et il vient surtout du fait que, depuis le début des années 2000, le terme Premium est communément devenu synonyme de « standard allemand ». Avec en filigrane des notions de rigueur de présentation, de qualité d’assemblage, de fiabilité… autant de points sur lesquels les françaises haut de gamme n’ont pas toujours su convaincre ces dernières années. Faute de moyens sans doute.
Une règle de marketing dit aussi que le prix affiché est souvent perçu comme un critère d’excellence en lui-même. Partant de cela, on serait tenté d’écrire qu’il suffirait que les Français vendent leurs modèles (encore) plus cher pour être crédibles en tant que « Premium ». Hélas pour eux, l’audace de style ou l’originalité de conception restent des critères moins valorisables que la technique ou la technologie, deux points sur lesquels les allemands restent intraitables. Une chose est sûre, à chaque tentative, les Français sont jugés sévèrement, jusque dans le moindre détail. Une étiquette « made in China » visible sur la dernière Citroën C5 X et l’affaire est déjà mal embarquée…
C'est une question très difficile, car le consommateur européen semble avoir beaucoup de mal à opter pour quelque chose de nouveau. Nous sommes presque figés dans nos habitudes de choix de voitures, à moins qu'une marque ne propose quelque chose de vraiment trop beau pour être laissé de côté. Comme les marques coréennes qui ont soudainement offert un meilleur rapport qualité-prix, ou Tesla qui a introduit un véhicule électrique désirable qui était/est également très pratique.
Pour les marques françaises, ce sera difficile, car elles sont déjà très connues sur notre marché, mais elles n'ont pas la réputation du haut de gamme et de la qualité. Seuls les petits modèles ont du succès, les plus grands ont toujours l'impression d'être des "déchets français" pour les automobilistes conservateurs. Dommage, car en matière de confort, Citroën/DS sait vraiment ce qu'elle fait, tandis que la Peugeot 508 est de loin la berline de société la plus sexy que l'on puisse trouver actuellement.
Selon moi, il faut insister sur la french touch. Le premium comme on l’entend aujourd’hui, c’est-à-dire une sorte de haute qualité, clinique, un peu froide et très business ? Non... Trop difficile tant les constructeurs allemands se sont imposés sur ce terrain et, surtout, tant l’idée que ce premium-là ne peut être français est ancrée dans les esprits ! C’est dommage, mais il suffit de lire ce que les internautes en disent en commentaires lors de la présentation d’un nouveau modèle.
Ce qu’il manque – pardon : ce qui a manqué - aux françaises, ce sont des moteurs nobles, car les 6 en ligne, V6, V8 et autres moulins de caractère ont bâtit le mythe des grandes marques dans nos esprits, même si ces marques vendent surtout du Diesel et – un peu plus aujourd’hui – des hybrides basés sur de vulgaires 4 cylindres. On ne devient pas premium du jour au lendemain, et sans doute pas avec des 4 cylindres 1.6 hybrides. Les Audi, BMW et Mercedes – mais aussi Jaguar et Land Rover – ont 30 ou 40 ans de gros cubes emblématiques dans leurs archives. Les trop rares moteurs français d’exception ne font simplement pas le poids.
Cela dit, une marque comme DS doit, je pense, insister sur des séries spéciales franco-françaises, en multipliant les collaborations avec les grands noms du luxe ou en intégrant carrément un atelier de personnalisation poussée dans ses murs. Parce que cela apporte de la fraîcheur, de la modernité. Bref, de la french touch qui, personnellement, me plaît bien.
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