69, année érotique, comme le chantait Serge Gainsbourg. Dans le domaine automobile, la palme de la création la plus sexy revint cette année-là sans aucun doute à la Ford Capri, proposée avec une palette étendue de moteurs 4 et 6-cylindres. Personnalisable à l’envi avec, pour seule limite, l’épaisseur du portefeuille.
>>> Le texte complet de cet essai est disponible dans le Moniteur Automobile 1751, par Stany Meurer.
>>> Avec l'Opel Manta GSe Elektromod, le constructeur allemand donne une seconde vie à sa star des seventies.
Aux yeux du grand public, la Capri première du nom incarne la naissance d’un genre nouveau : le coupé populaire à la silhouette évocatrice de hautes performances, une sorte de pony-car à l’européenne, comme l’avait si bien inventé dès 1964 sa cousine Mustang pour les Américains. C’est vrai, mais en partie seulement. Car il faut rendre à César ce qui lui revient, et en l’occurrence à Fiat sa géniale trouvaille, la 124 Sport Coupé 1400 fut présentée deux ans plus tôt, au salon de Genève 1967.
Concurrence multiple
Comme pour la Mustang aux USA, le danger le plus important pour Ford d’émousser le succès de la Capri en Europe est venu de GM, et plus particulièrement de la Manta apparue en septembre 1970, soit près de deux ans après le best-seller de la marque à l’ovale bleu. Pour la petite histoire, si Opel disposait alors de trois cartouches dans son arsenal de sportives, à savoir la Kadett Rallye (1.9 de 90 ch), la Rekord Sprint (1.9 de 106 ch) et la Commodore GS (6-cylindres en ligne 2.5 de 130 ch), aucune d’entre elles ne pouvait espérer rivaliser avec l’offre de la Capri.
Mais la Manta ne sera pas la seule à venir piétiner les plates-bandes de la Capri. Du Japon sera lancé la même année un redoutable scud nommé Celica, qui était un petit coupé ravageur élaboré sur une base de berline Carina. Vraisemblablement jalouse de leur succès et désireuse de glisser sa carte dans ce futur carré d’as, celle qu’on appelait alors la Régie Renault dévoilera le 19 juillet 1971 ses coupés 15 et 17 développés au départ de la berline 12.
Une histoire de raies
Revenons à nos moutons, revenons à la Manta dont le nom est celui d’une raie de grande taille et dont la vélocité en cas de danger (24 km/h en vitesse de fuite) lui permet d’échapper à la majorité des prédateurs naturels. Pour l’anecdote, notons que GM affectionnait alors le monde marin, comme en témoigne l’appellation Stingray octroyée à la Corvette contemporaine, Stingray qui désigne... une raie !
Dans un premier temps, la Manta est disponible selon deux cylindrées, mais avec trois niveaux de puissance. Tout d’abord, en entrée de gamme, on trouvait un 1.6 développant 68 ch. Pour le client plus énergique, Opel proposait le même bloc poussé à 80 ch obtenu à un régime 200 tr/min plus élevé (5.400 tr/min). Enfin, à l’attention du conducteur sportif, le constructeur offrait un 1.9 fort de 90 ch, en fait le moteur de la Kadett Rallye, qu’il était également possible d’obtenir sur la berline Ascona.
Rapidement, la gamme des motorisations s’est étoffée, en restant toutefois moins riche que celle de la Capri. En dessous du 1.6 de base est venu se loger un très calme 1.2 de 60 ch, qui laissait à la Manta son plumage mais en oubliait tout ramage mécanique. À l’autre bout du spectre se nichait dès le mois de mars 1971 la plus turbulente des versions, la GT/E et son 1.9 à injection revendiquant 105 ch.
Une bataille avortée
À l’origine, pour mieux concurrencer la Ford Capri, Opel avait bien imaginé une version plus puissante de celle-ci à moteur 6-cylindres en ligne, en fait celui de la Commodore, en exécution 115 et 130 ch. Mais pour un ensemble de raisons, principalement financières, ce projet fut abandonné par l’usine après que quelques prototypes furent fabriqués et testés.
De son côté, par contre, et dès octobre 1970, Ford musclait sa Capri d’une version très performante, en fait un modèle d’homologation destiné à la course, la RS. Forte de 150 ch et d’une carrosserie allégée grâce notamment à des éléments en aluminium, elle avait pour vocation de contrer les ambitions sportives que BMW plaçait dans ses coupés 30 CSi et bientôt CSL, redoutablement préparés dans les ateliers Alpina et Schnitzer.
Simple, mais efficace
Sur le plan technique, la Manta originelle (ou encore A), comme sa remplaçante d’ailleurs apparue en août 1975, est classique. Elle possède un moteur avant monté longitudinalement qui, accouplé à une boîte manuelle à 4 rapports, entraîne les roues arrière. Une transmission automatique à 3 vitesses était disponible en option. La finition plus sportive SR dotait le véhicule en série d’un raffinement rare à ce niveau de gamme, en l’occurrence d’un pont autobloquant certes à faible pourcentage mais bien utile pour rendre efficace la conduite sportive.
Côté suspension, on trouvait à l’avant deux bras en trapèze maintenus par des barres, mariés à des ressorts hélicoïdaux et, à l’arrière, un essieu rigide plutôt bien guidé. Le freinage reposait sur de simples disques pleins à l’avant et des tambours à l’arrière. Si ce dernier est assisté, en revanche, aucune trace d’assistance pour la direction, en série comme en option. Des données techniques basiques sinon rustiques qui prêtent à sourire aujourd’hui, mais qui étaient alors partagées dans les grandes lignes par la Ford Capri, la Toyota Celica et la Fiat 124 Sport Coupé (dotée en revanche d’un freinage assuré par quatre disques) mais pas par les Renault 15 et 17, qui étaient des tractions.
Deutsche Qualität
La deutsche Qualität n’était en rien un terme usurpé sur ce coupé seventies signé Opel. À l’exception de la carrosserie victime des attaques de la rouille, une caractéristique s’appliquant à toutes les voitures de cette époque, la finition ainsi que l’assemblage de la Manta impressionnent aujourd’hui encore, soit un demi-siècle (!) après qu’elle soit tombée de chaîne.
À bord, le bloc instrumental d’excellente facture se montre très lisible, l’ergonomie ne souffre aucune critique rédhibitoire alors que la sellerie en skaï véritable (plus rarement en tissu) résiste plutôt bien aux affres du temps. Le plus daté se révèle être la forme des sièges, plus proche de celle de la chaise de camping que du baquet de compétition. Un défaut corrigé par les sièges Recaro montés sur les versions GT/E, dotées d’une instrumentation très complète, à l’instar des voitures en finition SR.
Paisible, la raie…
Quelle que soit la motorisation choisie, la Manta n’a rien d’un foudre de guerre. Et cela est également vrai pour la GT/E avec le regard d’aujourd’hui, forcément influencé par les performances des machines actuelles. Pour mieux situer le problème des références, il n’est probablement pas inutile de rappeler ici qu’une petite turbulente du milieu des années 70 (soit bien ultérieure à notre Manta), du genre Autobianchi A112 Abarth, Renault 5 TS ou encore Peugeot 104 ZS, affichait fièrement 65/70 ch, une puissance dont personne ne se satisferait en 2021 pour son daily-driver Diesel...
Sa revanche, la belle Opel la prend par un comportement homogène et sain, en un mot réussi. Un résultat obtenu pourtant à partir d’éléments simples, presque archaïques, mais qui est le fruit d’une recette appliquée avec talent et qui procure un réel agrément de conduite jamais gâché par une direction précise, une boîte à la commande directement plantée dans la boîte et un freinage suffisant en usage modéré. En conduite très sportive évidemment, les disques avant fatiguent vite alors que, surchauffés, les tambours arrière ont tendance à brouter. Bref, si vous insistez vraiment, la capitulation est proche.
Historiquement plus importante qu’elle en a l’air de prime abord, la Manta A est une voiture parfaite pour débuter en collection. Simple et facile à restaurer, peu coûteuse à l’entretien, fiable à l’usage et encore agréable à vivre, elle devient malheureusement rare à trouver en configuration d’origine. Si d’aventure l’affaire vous tente, comptez entre 13 et 18.000 € pour un exemplaire en parfait état. Et beaucoup plus pour une GT/E, très recherchée.
Le nez fin
Dans le numéro 200 du 10 septembre 1970 de l’hebdomadaire Sportmoteur, Philippe Toussaint écrivait que «la Manta est particulièrement réussie de face. Sa calandre est simple, uniquement ornée de l’écusson Opel et des quatre phares ». Une analyse qui, bien des années plus tard, trouvera écho chez les dirigeants de la marque à l’éclair. Comme ceux de Peugeot, ils étaient à la recherche d’un gimmick fort des années 70 pour renforcer l’identité de leurs produits.
Si les Français ont ressuscité tout récemment les feux arrière à trois barrettes des coupé et cabriolet 504, les Allemands quant à eux ont déterré la calandre de la Manta A pour donner naissance au concept Vizor, ce bandeau noir ouvert (pour les mécaniques thermiques) ou fermé (électriques) qui, telle une visière de casque, barre toute la face avant et regroupe les optiques à LED ainsi que toutes les technologies (capteurs, caméras, radar, etc.) indispensables à la conduite autonome.
La Manta leur inspirera encore le concept GT X Experimental derrière lequel se cachent d’autres éléments distinctifs, comme la place de l’écusson ou encore la nervure centrale du capot moteur indiquant l’axe vertical, l’axe horizontal étant assuré par les feux diurnes. Vizor et GT X Experimental ont trouvé leur première application dans la nouvelle Opel Mokka.
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